Camper un homme remarquable et honnête et saluer sa mémoire, est une tâche agréable, davantage encore lorsquil sagit dune personnalité telle que Cardijn, animateur, prophète, galvanisateur, prêtre, évêque et cardinal de la jeunesse ouvrière.
Pour des millions de jeunes gens dans le monde, il a été le révélateur dune vision qui ouvrit une voie vers une nouvelle classe ouvrière. Issu dune jeunesse chrétienne révolutionnaire, sortant de la misère et de linfériorité, il sarracha à la désolation, à lignorance et au désordre pour marcher vers un avenir meilleur. « Les jeunes travailleurs et travailleuses ne sont ni des esclaves, ni des bêtes de somme, ni des machines, mais des êtres libres, enfants de Dieu avec une destinée éternelle dans un bonheur temporel ».
Sensible à la détresse des humbles, il était cependant profondément pénétré des hautes valeurs que lui dictait sa foi : la fierté humaine, lamour du prochain, la tolérance, la solidarité. Ces valeurs permettent ainsi aux hommes dune autre croyance de témoigner du respect et de la sympathie pour un travailleur social de la trempe de Cardijn, car malgré les conceptions philosophiques différentes, tant de points communs nous conduisent tous vers une société meilleure.
A son intronisation comme évêque et son élévation, en 1965, à la dignité de Cardinal, un frémissement de joie parcourut les hommes de tous les milieux et de toutes les opinions.
Le pauvre gosse de Hal qui jura à son père mourant de consacrer sa vie à la cause des travailleurs, le petit vicaire de Laeken (1912), le résistant prisonnier (1914-1918), le pionnier infatigable, orateur et organisateur irrésistible, qui mobilisa des millions de garçons et de filles pour la réalisation dun grand idéal, reçut ainsi la plus haute consécration ecclésiastique ; nous avions un cardinal de chez nous, un cardinal des ouvriers ou mieux encore ; un ouvrier qui devint Cardinal. Comme marque extérieure de sa dignité, il obtint le titulariat de la plus pauvre église paroissiale de Rome, Piétrala.
Nul autre belge na su donner plus déclat à la renommée de son pays. En tant que citoyen de nationalité belge, ce prêtre flamand demeure le compatriote le plus célèbre et le plus génial de notre époque.
Le plus bel hommage que nous pouvons rendre au cardinal Cardijn sera de poursuivre ce que lui-même réaliserait sil revenait sur terre. Lors dinnombrables réunions et au hasard des conversations, il prononçait souvent: « Allons de lavant ».
La consécration, par le Concile du Vatican, de sa doctrine, et de son action, nous donne la mesure de son uvre immortelle de prophète et de pionnier.