Les deux timbres représentent deux tableaux dartistes belges de renommée mondiale: René Magritte, né en 1898 à Lessines et décédé à Bruxelles en 1967, et Paul Delvaux, né en 1897 à Antheit près de Huy. Lart quils exercent relève du Surréalisme.
Le premier se range parmi les surréalistes orthodoxes; le second qui na jamais adhéré au mouvement crée ses propres uvres sans se soucier des multiples dogmes quadoptent les surréalistes dans les domaines de la politique, de la religion, de la morale et de la société.
Leur art à tous deux rejette toute intrusion ou contrôle de la raison et de la logique; il extériorise la libre fonction de lesprit humain, affranchi de tous préjugés et de toutes traditions. Il sabandonne entièrement aux mystères de limagination et du rêve, jusquà labsurde. Les surréalistes sont des «rêveurs éveillés» qui fixent intuitivement et objectivement les images de leur subconscient, sans sinterroger sur leur sens.
Dans «La mémoire», René Magritte réunit des objets hétéroclites : un grelot, une feuille et une tête de plâtre sur un mur, tandis quun rideau rouge cache en partie un ciel printanier au-dessus de la mer. Lensemble est reproduit avec minutie et parfaitement équilibré en une harmonie subtile de couleurs. Cependant ici nous rencontrons le mystère les tempes de la tête portent une grande tache de sang qui confère brusquement un sens dramatique à une vision dun calme serein. Il sest produit quelque chose dinsolite, que jamais nous ne découvrirons.
Lartiste ne nous montrera pas la voie, tandis que le titre de la toile, sans rapport avec le sujet, ne nous aidera pas davantage. Nous acceptons luvre comme un poème de couleurs et de formes, dont le tréfonds mystérieux ne nous sera jamais dévoilé. Lénigme nen demeure pas moins plus captivante. A la question «que représente cette toile ?», Magritte répondait imperturbablement «moi-même».
Par contre, il y a à lorigine de la «Ville inquiète» de Paul Delvaux un événement tragique effectivement vécu, notamment la panique qui sest emparée de la population, lors de linvasion de notre pays en mai 1940, par les Allemands. Lartiste connut aussi les affres de cet exode lamentable. Mais quelle vision a-t-il conservé de cet événement ? Point limage fidèle de fuite éperdue, mais un indescriptible cauchemar dangoisse, daffolement, de terreur, de désespoir et de fatalité. La tragédie se situe en dehors du temps et de lespace, comme emportée vers une autre planète. Tout se passe dans un rêve hallucinant où la foule, tels des figurants nus sortis dune tragédie grecque, court et erre affolée, sous un ciel lourd des fumées et des flammes dune ville antique en feu. Et au centre de cette tragédie classique, conçue comme une toile de Poussin ou dIngres, «lhomme de la rue», avec son melon et son complet de confection, se traîne désemparé, myope et pitoyable vers la mort sans rime ni raison.
Lartiste lui, médite dans un coin, tel un philosophe des Temps Antiques, sur labsurdité de toute cette agitation créée par une humanité aux prises avec une folie collective.
Les trois superbes figures féminines, représentées sur le timbre, appartiennent à un groupe de huit jeunes filles qui savancent en cortège. Elles expriment en quelque sorte toute la souffrance, la réprobation et la résignation du drame, par lexpression de leur visage et par le regard pathétique de leurs yeux écarquillés.
«La ville Inquiète» est considérée à juste titre comme le chef-duvre de Paul Delvaux et comme lune des toiles les plus expressives créées en Belgique dans le style surréaliste.